Avez-vous un comptable parmi vos amis ?
Par Thierry Goemans le mardi, 1 novembre 2011, 17:05 - Humeurs de Thierry - Lien permanent
Avez-vous un comptable parmi vos amis ?
Si cette personne ne se reconnaît pas dans ce qui suit, c’est sûrement un charlatan.
En français, on dit à quelqu’un dont on veut faire un bouc émissaire « qu’on le tiendra pour comptable de » telle ou telle mauvaise action.
Or, avant la création d’Adjuvamus Management Support, en 2008, j’ai exercé pendant une vingtaine d’années la profession de comptable. J’ai fait ce métier à divers niveaux de responsabilités et avec des dénominations de poste très diverses, dans des contextes très différents.
Ce qui me reste de ces années, c’est d’avoir toujours eu un rôle « à part ». Voici du vécu.
Le comptable, dans une petite entreprise, est une personne dont le bureau jouxte celui du dirigeant. C’est ainsi commode pour le patron de venir se débarrasser de tout ce qui l’embarrasse, en étant certain que ce qui est important sera pris en compte.
En général, le patron d’un comptable n’appellera ce dernier par son prénom ou son nom que s’il s’adresse directement à lui. Par exemple pour lui demander : « Patriiiiiiiiiick, pourrais-tu appeler chez Péan-Retar pour leur dire qu’on règlera la semaine prochaine mais qu’on a besoin d’être livré demain sans faute ? » … « Tu comprends ? Je préfère que ce soit toi ».
Avec un fournisseur, le patron botte en touche avec : « vous verrez cela avec mon comptable ». A un salarié qui se renseigne : « tu demanderas à la comptabilité ». Pourtant, s’agissant des autres fonctions, vous entendrez : « allez voir Armelle, c’est elle qui s’occupe des achats » ou « Florence pourra vous aider, elle s’occupe du stock ».
Allez, dans la vie d’un comptable, il y a du bon.
Le calendrier des échéances est strict mais prévisible. On peut se débrouiller pour anticiper.
Ensuite, c’est drôle : le comptable finit toujours par tout savoir.
D’abord, parce que toute réalité, même indicible, se transforme en flux financier ; ensuite parce que tout le monde finit par venir parler au comptable. Les collègues viennent en catimini, quand les chefs sont sortis, tout fiers de leur audace et avides de confidences. C’est alors un régal pour le comptable de renverser habilement l’interlocuteur et de recueillir des informations non filtrées, qu’il va comparer à la version « officielle ». Un patron, lui-aussi, finit toujours par trahir ses marottes.
Le tout mis ensemble, permet au comptable de se faire une idée assez juste de l’état réel de l’entreprise et des valeurs profondes de tous ceux qui l’animent. Savoir c’est pouvoir : tout ceci va lui permettre d’anticiper des difficultés, pour l’entreprise, et, s’il est opportuniste, de gérer ses propres intérêts.
Je me souviens d'une veille de vacances d'été et d’un dirigeant de filiale qui me dit, après avoir commandé la bouteille de vin, que les carottes sont cuites, et le personnel aussi (comment dire ... sauf lui) ... A charge pour moi de le remercier de son immense confiance et de rentrer au bureau sans rien laisser paraître avant trois bons mois.
J’ai un autre souvenir de ce même été : la découverte, au retour des vacances, du ventre arrondi de ma fidèle collaboratrice, heureuse et encore ignorante, mais aux prix de quels efforts de ma part ?
Je me souviens d’un patron fier de faire visiter notre son entreprise à des enfants qui passaient par là. Arrivé à hauteur du bureau « FINANCES », il dit : « Venez les enfants, il n’y a rien de drôle, ici ». Bien sûr je lançai, hilare : « Eh oui, c’est LE bureau où on travaille, ici ! ».